- Projet en cours -
Lauréate de la bourse "brouillon d'un rêve" LaScam 2024
Tout au long de ma vie, j’ai baigné dans la culture de l’ovalie, ayant vécu à Toulouse au sein d’une famille de rugbyman. Dans cette ville de rugby, chaque rue, chaque café, chaque recoin de la ville vibre au son des exploits passés et présents des joueurs.
C’est en 2022, quand mon plus jeune frère installé au Québec a décidé de rejoindre un club de rugby LGBTQIA+ que j’ai décidé de démarrer un travail photographique. La particularité de ce club est que ses membres le financent en réalisant des shows de drag-queens en dehors du terrain. Cette fusion entre le rugby, un sport perçu comme viril et masculin, et l’art du drag, qui repousse les frontières de l’identité de genre, m’a passionné. Lorsque j’ai vu pour la première fois leur performance artistique et sportive, j’ai été touché par leur implication pour le club, par leur dépassement d’eux-mêmes, par leur cohésion d’équipe et de partage. J’ai décidé de démarrer un travail photographique pour capturer cette intersection unique de la masculinité, de l’identité de genre et du sport.
J’ai continué la série en me rendant dans d’autres clubs alliant rugby et show drag-queen, à Manchester au Spartans club, puis à Seattle au Quake club. L’univers du sport est encore au balbutiement de l’acceptation des personnes non hétérosexuelles. Le rugby porte des valeurs de bienveillance et d’acceptation et pourtant la réalité est tout autre. Il est encore difficile d’affirmer son orientation sexuelle au sein d’un club hétéronormé. Le premier joueur de rugby français en activité à avoir fait son coming-out en France est Jeremy Clamy-Edroux et son annonce date seulement de 2021. Financer le club grâce à un show de drag-queen est une belle preuve de dépassement de soi, d’inclusion, qui aide à dépasser les codes sociaux de l’ordre de la binarité et les conventions. Ces clubs et ces initiatives poussent les murs du milieu sportif.
C’est grâce à ces actions que les regards changent. Sur un terrain comme sur la scène, les parallèles sont nombreux. Le rugbyman s’apprête en short et maillot le jour quand l’artiste se vêt d’une robe à sequins et de bas résille le soir. Le sportif se met en condition et s’échauffe autant qu’un artiste avant de monter sur scène. Dans les vestiaires ou en coulisses, le soutien d’une équipe et la pression d’avant performance sont présents. Car si le rugbyman rentre sur le terrain pour gagner un match, l’artiste le fait pour gagner le cœur de son public. Ici, le rugbyman est l’artiste. L’artiste est le rugbyman. Sportif et drag-queen ne font qu’un. Un sport ne nous définit pas. Chacun est libre d’être soi. Sur le terrain ou sur la scène, mes photographies captent le dépassement de soi de ces hommes, la performance sportive et artistique. Mon travail photographique met en lumière ces équipes LGBTQIA+, véritables sources d’inspiration, de liberté et de courage.